Interview Miss Van

Ne rien faire comme les autres. Ce principe vital, certaines personnes l'érigent en véritable sacerdoce. Dès ses premiers pas dans les rues de Toulouse au début des années 90, Vanessa l'a bien compris. Alors que les graffeurs placent leur nom au cœur de leur pratique, elle prend pour signature un personnage. Ils utilisent la bombe, elle choisi l'acrylique et les pinceaux. Ils sont tournés vers le Bronx, elle vise déjà le Louvre et croise l'ADN du graffiti avec les peintres flamands du XVème siècle. Cet art de la différence, Miss Van n'a cessé de le cultiver au fil des années, construisant un style unique et, bien qu'en constante évolution, identifiable au premier coup d'œil. Pendant une décennie, ses poupées vont faire rêver aux quatre coins de l'Europe, avec comme épicentre Barcelone, la ville bohème et créative où elle a élu domicile. Elles sont là, au détour d'une ruelle, au fond d'un passage oublié, créatures sensuelles et troublantes, fragiles et dominatrices à la fois, toujours prêtes à éveiller les fantasmes et réconforter les âmes égarées. Petites sœurs de la rue, femmes enfants venant chuchoter à l'oreille du passant, elles ont squatté notre imaginaire. Elles nous sont devenues familières, construisant avec nous une relation quasi intime. Son inspiration, l'artiste est allée la puiser au plus profond d'elle-même, de son cœur et de son âme L'euphorie et le désespoir, le vice et la vertu, la palette de couleurs de Miss Van est faite de tous ces sentiments. C'est sans doute ce qui rend ses personnages si humains, si proches de nous. La poupée de Miss Van est cette petite sœur que vous avez toujours rêvé d'avoir, prête à vous raconter ses secrets les plus inavouables et à écouter les vôtres. Début des années 2000. Les années ont passé et les poupées ont grandi. Elles ne traînent plus dans la rue mais squattent désormais les meilleures galeries. Les tenues affriolantes roses bonbon ont laissé place aux capes noires. Les larmes ont coulé et le maquillage avec elles. Plus sombres, ambiguës et inquiétantes que jamais, elles nous invitent à partager leurs tourments. Introspection maximale. Plongeon dans les méandres de l'âme humaine. L'autobiographie de Miss Van s'effeuille religieusement. Page après page, c'est l'histoire d'une vie qui transperce nos âmes ébahies. Pour l'éternité.

Miss Van a été interviewée pour le quarantième numéro du magazine Clark et a réalisé 3 couvertures différentes.


Tu as déclaré « Je suis toujours sincère lorsque je peins » . Qu'entends-tu par là ?
C'est une phrase assez simple que tout le monde devrait appliquer, je pense. Disons que je peins de manière capricieuse, irrégulière. Je peins uniquement lorsque je le ressens sincèrement. Je ne veux pas rentrer dans des automatismes, peindre de manière mécanique ou machinale, simplement pour honorer des commandes… J'essaie d'être à l'écoute de mes envies, pas de celles des autres. Je préfère prendre le risque qu'on ne me suive pas, ce qui n'est pas très grave, mais je dois suivre ma propre voie, mon inspiration du moment, mes sentiments, mon évolution personnelle, mon contexte, ma vie. Être synchronisée avec ma peinture, c'est important pour moi. À partir de là, oui, il faut être sincère tout le temps, sinon on se perd et on rentre dans l'illustration. Et ça, c'est quelque chose dont je souhaite m'éloigner le plus possible.

Qu'est-ce qui te dérange dans le mot illustration ?
On peut voir ma peinture de manière illustrative mais pas seulement. J'espère que mon travail en dit plus que ça. J'essaie que mes personnages aient une âme. J'ai toujours été dans le sensible et dans le sentiment parce que ma nature est ainsi. Je pense que c'est ce qui fait toute la différence entre chaque artiste. La personnalité et la sensibilité de chacun, c'est quelque chose qu'on ne peut pas copier ou reproduire.

Tes poupées ont considérablement évolué avec le temps. Ces dernières années, elles ont gagné en profondeur, expriment des sentiments plus complexes. Elles sont plus dérangeantes, inquiétantes. Ça vient d'où ?
Il y a eu un changement radical dans ma vie il y a quatre ans et j'ai naturellement eu besoin de m'exprimer d'une autre manière, plus profonde, plus intime et personnelle. J'ai eu besoin d'écouter ce que j'avais vraiment envie de faire. Mes personnages ont eu les yeux fermés pendant deux ou trois ans car je n'arrivais plus à les représenter autrement. Ça a été une période d'introspection vraiment intense. Pour moi, le regard avait toujours eu beaucoup d'importance et en fermant les yeux de mes personnages, j'avais l'impression qu'on pouvait vraiment entrer à l'intérieur de leur âme. Pendant cette période, mon travail est devenu plus sombre et douloureux. Je sais qu'il y a beaucoup de gens qui n'ont pas compris, qui préféraient ce que je faisais avant, mais pour moi c'était un changement nécessaire. Je ne savais pas trop où ça allait me mener mais il fallait que je passe par là, par honnêteté. Et puis au bout d'un moment, j'en ai eu assez d'être trop centrée sur mes sentiments. L'année dernière, j'ai pris le contre-pied de tout ça. C'est là que j'ai commencé les séries sur le cirque et là je me suis dit que peu importe ce qu'il se passait dans ma vie, j'avais envie de peindre des choses plus gaies ou grotesques. Alors j'ai commencé à mettre un masque, comme on le fait dans la vie, du maquillage et je pense que tout cela a une signification profonde.

Les pin-up, le burlesque, le cabaret et le cirque sont des influences très présentes dans ton travail. Qu'est-ce qui te plait dans ces univers ?
Je pense que cela me correspond, ce côté antique. J'adore tout ce qui est ancien, tout ce qui a une histoire, que ce soit des objets, des images, la mode, l'esthétique d'une époque.

J'ai entendu dire que tu avais été critiquée par certaines féministes qui voyaient en tes poupées une vision réductrice de la femme. Qu'as-tu à leur répondre ?
Oui à l'époque, à Toulouse, ça a dérangé certaines personnes. Elles peignaient en noir par-dessus les visages. Peut-être qu'elles trouvaient ça trop érotique, trop dérangeant.

Pourtant, on pourrait voir une dimension presque féministe dans ton travail. Je pense à la physionomie de tes poupées avec leurs formes rondes, loin des canons habituels de la beauté. Ton travail est une ode à la sensualité de la « girl next door » , non ?
Je pense que c'est ce qui a plu, au début, en effet. Je me suis toujours sentie plus à l'aise à dessiner des formes voluptueuses. Je n'aime pas les clichés. Je n'aime pas les choses établies. J'ai essayé d'être en rupture avec l'esthétique générale de notre époque et je pense que j'y suis arrivée, d'une certaine manière.

Cela me fait penser à tes dernières toiles avec ces filles dont le visage est barbouillé de rouge à lèvres. C'est une image tendue, assez violente. Est-ce pour symboliser un certain refus du cadre imposé de la féminité ?
C'est plutôt une marque de violence, de sauvagerie. J'avais envie de rompre avec le maquillage esthétique et de l'utiliser comme force, comme trait de caractère. On se maquille les yeux, la bouche… Il ne faut pas dépasser. Et bien moi j'avais envie de dépasser. Je m'intéresse beaucoup au thème du masque, un peu comme le maquillage du clown, exagéré, qui va accentuer un sentiment ou une expression, qui n'est pas là juste pour embellir. Pour l'expo Lagrimas de Mariposas en 2006, j'ai travaillé sur une série de clowns tristes. Et puis ça a dérapé avec le maquillage qui déborde, qui coule, avec l'expo Atame, avec aussi toute une symbolique sur les cheveux et le côté naturel et dépouillé des filles nues, torturées, aliénées par leurs propres sentiments. J'ai fait tout ce travail sur les cheveux comme élément sensuel féminin, qui montre et qui cache en même temps, qui a un pouvoir mais qui peut aussi être une aliénation personnelle. C'est aussi un pouvoir de séduction incroyable et j'avais envie de mélanger ça avec la violence. Je ne peux pas rester trop longtemps dans le spectacle, beau, esthétique, drôle. J'ai toujours un côté sombre qui revient naturellement.

Tes poupées sont souvent chargées d'ambiguïtés. Je pense à leur côté fragile et en même temps très dominateur.
On a tous une dualité, de multiples facettes. Dans la vie, je suis assez fascinée par les personnes ambiguës. Moi-même, je suis comme la plupart des gens, remplie de confusions. Du coup, j'aime bien exprimer ça à travers mes peintures. Quand j'ai une image en tête, il y a toujours plusieurs sentiments qui me viennent en même temps. Je choisis lequel va dominer en première lecture, mais il y a toujours une part de confusion. Je pense que c'est cela qui est intéressant, que ce soit dans la vie ou dans la peinture. Je n'aime pas les choses trop évidentes et c'est pour cette raison que je me lasse de l'illustration et des images. Avec le temps, je crois que je suis plus inspirée par les livres, parce que la lecture demande un effort d'imagination que je trouve intéressant. Avec mes peintures, j'ai envie que les gens soient dans le rêve, le fantasme, l'interprétation personnelle. Je ne me censure jamais lorsque je peins car j'ai la chance de pouvoir m'exprimer à 100% à travers ce médium. En réalité, je suis assez timide, je t'assure. Mais je n'ai jamais eu de difficulté à montrer mes images. Je dois avoir un côté exhibitionniste, finalement. Peindre dans la rue m'a aidée à assumer ce que je pouvais montrer de moi. C'est mon moyen de communication avec les gens. Je reçois beaucoup de messages de personnes qui me disent qu'ils se sentent proches du personnage, que ça les remplit ou que ça les rend heureux. C'est vraiment ce qui me donne envie de continuer. Si j'ai ce pouvoir-là, c'est génial. En fait, je ne vois pas l'intérêt de faire des choses uniquement pour l'esthétique. Je n'ai pas envie de faire de belles images, cela ne m'intéresse pas. Si ça a été le cas à un moment, c'était malgré moi. Je n'ai jamais voulu faire quelque chose de commercial. Je n'ai jamais cherché à plaire. Je sais exactement quel genre de couleurs se vend mieux, quel genre de toile, de format, mais j'essaie toujours d'aller à l'inverse de ça.

Est-ce quelque chose qui t'inquiète, le fait que les gens puissent t'enfermer dans ce qu'ils attendent de toi ?
En quelque sorte, oui. Je viens de terminer une expo à Londres avec des œuvres inédites mais aussi une partie rétrospective assez importante avec des toiles de 2002-2004 que j'ai eu l'intelligence de garder à un moment donné, une toile de chaque époque, de chaque expo, que j'ai conservées pour moi. Et bien ce sont exactement ces toiles que la plupart des gens voulaient acheter, celles qui n'étaient pas à vendre. En dix-huit ans de peinture, on change et heureusement pour moi, je n'ai plus les mêmes envies qu'à l'époque. J'ai arrêté de peindre dans le rue petit à petit. Ça m'a déprimée pendant quelques années mais quand j'y pense, je suis heureuse de cette évolution. Imiter mon travail d'avant, je n'en vois pas l'intérêt. Et si je n'en vois pas l'intérêt, je ne le fais pas. Alors tout le monde trouve ça dommage mais encore une fois, je préfère être sincère et ne pas le faire juste pour faire plaisir à certaines personnes. Je me remettrai à peindre dans la rue lorsque j'en aurai vraiment envie et je le ferai certainement d'une autre façon.

Avec le recul, quel regard portes-tu sur tes années de graffiti ?
Je regarde rarement en arrière. Je suis trop nostalgique, trop sensible. Parfois, je tombe sur des photos comme ça, un peu par hasard et j'hallucine. J'ai tendance à oublier que j'ai fait tout ça. Du coup c'est bien parce que je me surprends moi-même. Je me sens encore jeune dans ma tête mais quand je vois tout ce que j'ai fait, je comprends l'âge que j'ai. Je garde de supers souvenirs de cette période, évidemment. C'était une période hyper intense. Il y a plein d'histoires à raccrocher à ces années passées dans la rue à peindre, à voyager, à rencontrer des gens. Je me demande où j'ai trouvé toute cette énergie parce que justement je n'ai plus la même énergie aujourd'hui, ou disons qu'elle s'est déplacée et c'est très bien. J'ai pu évoluer dans ma peinture d'une autre manière en travaillant dans un atelier, en prenant le temps de faire les choses, en expérimentant d'autres techniques. Quand je regarde ce que je faisais dans le rue, je trouve que ça n'aurait aucun intérêt de le refaire aujourd'hui. À l'époque, c'était spécial et je ne m'en rendais pas compte, et tant mieux. Aujourd'hui, j'ai l'impression que les gens calculent tout, ils se construisent un personnage et s'enferment dedans. Tout a plus ou moins déjà été fait dans la rue. Il n'y a plus vraiment de nouveauté et du coup il est très rare que je sois surprise ou étonnée. Quand je vois tous ces arrivistes qui se sont fait un nom en reproduisant des choses qui avaient déjà été faites ou parce qu'il fallait les faire, mais pas forcément avec la passion et le cœur, je suis vraiment heureuse de mon parcours.

Peindre en atelier, pour les galeries, était-ce une sorte de nouveau commencement ?
À vrai dire, je me suis toujours sentie plus peintre que graffeuse. J'ai toujours dessiné, j'ai toujours peint, donc que ce soit dans la rue ou ailleurs… Pour moi c'était un cheminement naturel d'exposer en galerie, d'essayer de vivre de ma peinture. Mais quand j'ai eu ma première exposition personnelle chez Magda Danysz en 2003, la galerie était grande et il fallait pouvoir assumer. Si je ne l'ai pas eu avant, c'est parce que je n'en étais pas capable. Je pense qu'il ne suffit pas d'avoir les bons contacts, il faut aussi que ce soit le bon moment, avoir la maturité nécessaire pour faire les choses parce qu'après les gens critiquent, ils jugent et donc il faut être à la hauteur de ce qu'on fait. J'ai eu ma première expo au bout de dix ans de peinture et avec le recul je trouve ça bien. Je n'ai jamais rien voulu faire d'autre dans la vie donc j'ai tout fait pour construire quelque chose sur le long terme. J'ai refusé plein de choses, refusé le côté commercial, refusé de me compromettre. C'est ainsi que j'ai pu maintenir cette image artistique qui m'est si précieuse.

Le médium de la rue s'est-il avéré trop limité à un moment donné, par rapport à ce que tu voulais faire techniquement ?
Oui je n'utilise plus les mêmes techniques ni les mêmes peintures. Tout est beaucoup plus fin, dans la subtilité et la transparence. Cela n'a rien à voir au niveau technique. Travailler en atelier m'a permis d'explorer de nouvelles voies mais j'ai toujours gardé ce côté immédiat et spontané de la rue. Quand je commence une toile, j'essaie de la finir dans la même journée, de ne pas revenir dessus. J'aime garder le mouvement, les erreurs, privilégier le sentiment plutôt que la technique. Tout ceci ne peut être achevé que dans l'urgence. L'intensité se capte à un moment donné et cela n'a rien à voir avec le temps qu'on y passe. Souvent, quand je viens de finir une toile, je me dis que je n'y serais pas arrivée la veille. Si je l'ai faite ce jour-là, c'est parce que c'était le moment, là tout de suite. Je suis dans l'intuition, la sensation, le passionnel, pas du tout dans le raisonnable.

À ce propos, combien de temps passes-tu sur une toile en moyenne ?
Ça peut être une journée ou deux, ou moins.

Au-delà de l'influence de ce médium contemporain qu'est le graffiti, ton travail fait référence à une culture artistique plus vaste, plus classique. Je pense à l'imagerie religieuse ou encore à la peinture flamande avec son goût pour le réalisme, la lumière, le portrait… Est-ce une volonté d'inscrire ton travail dans quelque chose qui dépasse le strict cadre du graffiti ?
Absolument. Je me nourris d'inspirations très variées. J'ai beaucoup de bouquins de peinture, toutes époques confondues. Récemment, j'ai travaillé sur les vierges. Je ne suis pas religieuse mais j'aime le coté mystique de ces images. Elles ont cette stabilité dans la composition avec ces personnages majestueux, en lévitation. Je suis fascinée par les peintures et les statues dans les églises. Cette série sur les immaculées, je l'ai réalisée à partir d'images que j'ai trouvées à Barcelone et par-dessus lesquelles j'ai peint des maquillages de clown. C'était une manière ironique de regarder la religion et ses images, avec ces visages aux expressions exagérées. J'ai pensé que le maquillage de clown allait dans ce sens. Je me suis beaucoup amusée avec ça. Ce n'est pas du manque de respect, c'est une manière de détourner différentes choses que j'aime, de me les approprier avec un peu de dérision. Cela dit, quand je m'inspire de quelque chose, je le fais toujours avec une certaine retenue. Je n'aime pas qu'on puisse saisir toutes mes inspirations. Je ne veux pas faire de répliques de choses. Forcément nous sommes tous inspirés par plein de choses. On ne peut pas tout le temps tout inventer. Récupérer, associer, s'approprier, c'est ce qui forge notre culture et notre personnalité. Seul, on tourne en rond. Je ne comprends pas les artistes qui ne vont jamais voir d'expos, qui n'achètent pas de livres, qui ne voyagent pas. C'est quelque chose qui me dépasse.

Tu fais assez peu de shows et tu ne collabores pas avec les marques, exception faite de Fornarina, il y a quelques années. Est-ce important de garder le contrôle de tes images et surtout faire en sorte qu'elles demeurent une chose rare et précieuse ?
Des propositions, j'en ai refusé pas mal, en effet. J'ai même parfois refusé des choses alors que j'en aurais vraiment eu besoin, financièrement parlant. J'ai préféré voir sur le long terme. J'avais tellement besoin d'être dans la durée, je ne voulais pas monter et redescendre aussitôt en acceptant des choses ponctuelles et sans intérêt pour mon avenir. En règle générale, si c'est juste une question d'argent, je préfère dire non. Quand je regarde certains artistes qui sont des références pour moi et qui ne font jamais aucun produit dérivé, qui ne bossent pas avec les marques, qui ne sont pas forcément visibles partout, je trouve ça génial. On n'a pas besoin d'être tout le temps accessible, au contraire. À force de voir partout certains artistes que j'aime, je ne leur porte plus le même intérêt. J'ai toujours eu peur de ça. C'est pour ça que j'ai toujours fait très peu d'interviews et d'expositions. Je considère qu'une expo par an, au niveau créatif, c'est déjà beaucoup. J'essaie de faire peu de choses mais de les faire bien. Ça a toujours été ma politique. J'ai toujours refusé de faire des toys, par exemple. Je déteste les toys ! Aujourd'hui je suis tellement contente de ne pas en avoir fait alors que, à l'époque, ça paraissait inévitable. Mais pourquoi est-on obligé de faire ça ? Parce que tout le monde le fait ? Parce que c'est ce qui marche ?

Est-ce dans cette optique que tu lances aujourd'hui ta marque ? Pour garder ce côté artisanal, fait maison, indépendant ?
Oui, je fais ça avec Anaoana, une copine de Barcelone qui est styliste. Un jour, je suis rentrée dans sa boutique et nous avons pas mal discuté. Au fil du temps, nous sommes devenues amies et je lui ai proposé de travailler avec moi. On vient juste de sortir une petite collection qui est inspirée elle aussi du cirque, des clowns et de l'ambiance cabaret. On travaille également avec Landry, un ami qui fait de la photo et du graphisme et avec qui je bosse depuis dix ans. Pour l'instant, c'est disponible uniquement dans la boutique d'Ana à Barcelone et sur notre site. En fait, ce projet, c'est surtout pour moi une manière de m'amuser, de faire autre chose, collaborer avec des gens qui viennent d'autres horizons, avec toujours ce côté artisanal, très personnel et limité.

Est-ce difficile pour toi de parler de ton art ?
Ce n'est pas difficile. C'est juste que parfois c'est le moment et parfois non. Quand je fais une interview, j'essaie d'aller chercher au plus profond de moi ce que je pense vraiment. Ce ne sont pas des choses auxquelles on réfléchit tous les jours. Mais c'est toujours bien de faire le point de temps en temps, de savoir où l'on en est. Finalement, les interviews me permettent aussi de m'auto-analyser.

Y a-t-il quelque chose qui n'ait pas été dit ici et que tu souhaiterais ajouter ? Quelque chose qui peut-être permettrait aux gens de mieux comprendre ton travail ?
Je veux juste remercier les personnes qui me soutiennent, que ce soit depuis le début ou depuis peu. Ces gens-là m'aident à m'accepter telle que je suis. Ma peinture, c'est ma force mais c'est aussi ma faiblesse parce que je montre beaucoup de moi-même. Sans la peinture, je ne sais pas où j'en serais. C'est la seule chose qui me donne confiance en moi. Je suis une personne assez torturée, assez sombre, et la peinture me permet d'exprimer tout cela d'une manière positive. Donc les gens qui soutiennent mon art me soutiennent personnellement. De plus, j'ai toujours eu peur de la mort, peur de ne rien laisser sur mon passage. J'ai ce côté un peu fétichiste, à tout garder, collectionner. J'ai peur de perdre la mémoire et du coup je suis heureuse d'avoir trouvé le moyen de laisser quelque chose derrière moi.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>