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Buenos Aires: fiasco en palanca

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Le temps n'est plus à la fête pour les trainwriters de Buenos Aires, en Argentine. Depuis que les politiciens et les médias se sont emparé du sujet, la sécurité a été renforcée sur les lignes de trains et de métros pour contrer l'ampleur du phénomène graffiti. Les gardes sont armés et la police n'hésite pas à organiser des guet-apens dans les lay ups et les ateliers, ce qui a inexorablement conduit  à une radicalisation des actions.

Qui dit escalade des moyens de sécurités, dit inévitablement durcissement des techniques pour peindre, les writers étant souvent prêts à tout pour parvenir à leurs fins. Conséquence directe : malgré les risques encourus, la technique de la palanca est devenue un des moyens courants d'atteindre sa cible. Sur la ligne de trains de banlieue de Sarmiento, les writers n'ont plus froid aux yeux, n'hésitant pas à s'attaquer à un train en station et à braver un garde armé.

Le ministère des transports argentins tente désormais une contre-attaque médiatique en alertant l'opinion publique. Ainsi, elle diffuse elle-même sur internet les images de ses caméras de surveillance, probablement peu consciente du fait que loin de leur faire peur, des dizaines de jeunes fantasmeront dessus et s'en inspireront probablement.

Ici, les multiples caméras postées sur les quais et dans la cabine du chauffeur ont filmé une action qui aurait pu très mal se terminer. On y voit plus d'une vingtaine de gremlins masqués, tirer le signal d'alarme et tenter de peindre avant de détaler comme des lapins lorsque déboule la cavalerie.

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L'un d'eux n'hésite pas à balancer un bloc de béton sur la vitre du chauffeur, qui s'empresse de redémarrer son engin tandis que les writers s'échappent sur les voies.

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Òn est loin de l'esprit originel du graffiti sur train, dont le jeu eut consisté pendant longtemps à entrer discrètement en mode ninja dans un dépôt, peindre sa pièce et ressortir sans être vu. Mais nous ne sommes plus au 20ème siècle, et les règles du jeu changent dans certains pays. Face à une répression extrême, les nouvelles générations s'adaptent donc, quitte à braver tous les dangers – et lorsque les writers les plus motivés se font épingler, une nouvelle vague prend la relève et perpétue le cycle.

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Nouvelle arme du NYPD: la bombe de peinture!

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La ville de New York inaugure une nouvelle manière de lutter contre la prolifération des tags dans les 5 boroughs. En plus d'un arsenal répressif conséquent – le graffiti est considéré comme un crime et non un délit – la police devrait bientôt être équipée de bombes de peinture, afin de recouvrir les tags pendant leurs patrouilles. Cet article traduit du NY Post en dévoile les détails et les réactions des flics, reconvertis en agents d'entretien (ou en tagueurs, selon le point de vue) contre leur gré.

La seule chose qui manque sont les blouses. Le NYPD est en train d'armer ses policiers de bombes de peinture et leur donne des cours pour combattre le fléau du graffiti. Le nombre de fusillades est en hausse partout dans la ville, mais l'objectif principal du quartier général de la police est de traquer le graffiti en recouvrant les tags à la bombe de peinture noire, rouge ou blanche. Les policiers ont même reçu comme directive de :

« Tracer à la bombe un carré autour du tag avant de le remplir »

dans des quartiers comme Bushwick, Brownsville et Bedford-Stuyvesant.

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Certains policiers s'indignent de cette nouvelle politique qui les met en danger et ne fait rien pour rendre les quartiers plus sûrs.

« Le programme anti graffiti est ridicule. Certains de ces quartiers sont vraiment dangereux, on devrait s'intéresser à lutter contre la criminalité. »

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Un officier de haut rang a ajouté :

« L'été arrive, les fusillades augmentent avec la chaleur. Cette année ne sera pas une exception. On ne peut pas se permettre que les agents de police perdent leur temps avec le graffiti »

La semaine dernière, les fusillades ont augmenté de 50% par rapport à la même période l'année dernière. Les nouveaux protocoles de la lutte anti graffiti chargent les policiers de photographier l'acte de vandalisme avant de le recouvrir de manière professionnelle, selon une note interne envoyée le 2 Mai 2014.

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Les officiers devront recouvrir les tags et pas les grandes fresques murales.

Dans certaines zones, les policiers sont invités à traquer les graffitis sur les stores des magasins afin de convaincre le propriétaire de déposer plainte.

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Selon certaines sources, le NYPD essaie d'envoyer un message aux writers.

« C'est censé discréditer leur travail et leur virilité »

Cette directive est applicable dans les 5 quartiers de New York.

Les agents de l'autoroute sont également sollicités pour effacer tous les graffitis le long de certains axes comme l'Express way de Long Island, et celle de Brooklyn au Queens.

« Les flics ne sont pas contents du tout »

Quelle sera la prochaine mission de la police new-yorkaise ? Puisqu'il s'agit de copier les « codes » du graffiti (ici le « toyage »), vont-ils lors d'un flagrant délit, dépouiller leur suspect avant de le toyer, ou vont-ils, comme Sean Penn dans Colors et comme ça se passe déjà parfois au Brésil (voir vidéo ci-dessous), devoir repeindre la tronche du tagueur à la bombe, pour « lui apprendre la vie » ?

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Free Boris!

L'arrestation de Boris From Bulgaria et de ses acolytes ce Lundi 5 Mai 2014 a fait grand bruit dans le petit monde du graffiti, et tout le monde semble avoir son opinion sur le sujet, des plus réacs (« les hipsters au trou ») ou réalistes (« qui sème le vent… ») aux plus libertaires (« free boris! »). Sans oublier l'extrême sens de la dérision qui fait le fort de Boris, comme dans cette annonce parodique d'un faux épisode de sa fameuse série de films Grifters Code, réalisé il y a quelques jours par un de ses fans :

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Avec un  train de retard (jour férié oblige), France 2 s'est fendu de son sempiternel reportage graffiti ce 8 Mai, sur le schéma habituel : les tags c'est bête et méchant > micro-trottoir plaintif > c'est-nous-qu'on-paye > confession d'un repenti inconnu, avec en conclusion l'éternelle comparaison coût du graffiti = 2 rames de tramways neuves (on a échappé à l'équivalent en nombre de crèches cette fois-ci). Nous vous laissons apprécier ce chef d'œuvre de journalisme….

Pour ceux qui veulent s'amuser à comparer en mode Le Petit Journal, on remarque d'ailleurs qu'il s'agit quasiment du même reportage que nous servait David Pujadas pour le journal de 20h du 12 Septembre 2012. Pour un travail journalistique plus qualitatif, le blog Konbini a écrit un bon article sur le phénomène Boris. Dans tous les cas, il est clair que Boris a bousculé les codes du graffiti et ne laisse personne indifférent. En attendant, ce n'est que de la peinture…

Crédit photo Steal a car and chase the cops : EYC Magazine

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Milan: Assaut du métro en mode far west

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A Milan en Italie, la répression du graffiti a franchi une étape supplémentaire suite à une action sur métro qui a mal tourné. Il faut dire que les palancas, ces actions coups de poing qui consistent à bloquer une rame en circulation pour la peindre, finissent souvent en bagarre générale et ont tout pour attirer les foudres des autorités. Le 20 Avril 2013, tard dans la soirée à l'arrêt Villa Fiorita sur la ligne verte du métro, un groupe de writers a ainsi semé la panique en tentant de peindre à quai, comme l'explique cet article en Italien du Courrier de Milan, que nous avons traduit.

Dans une vidéo filmée à la GoPro confisquée par la suite, on voit les writers tirer le système d'alarme dans différents wagons avant de s'attaquer à la rame, bombe de peinture à la main :

Les voyageurs semblent stupéfaits, saisis par la peur. Alors que le chauffeur du train se rend dans les wagons pour débloquer la rame, une altercation a lieu avec un des writers, la scène est confuse, mais on distingue clairement deux individus s'en prendre au fonctionnaire en service à coups de peinture dans la figure. Le commando prend ensuite la fuite par les voies.

La police de Milan dispose d'une cellule anti-graffiti dirigée depuis 10 ans par le commandant Tullio Mastrangelo. Lors d'une perquisition chez un writer de 24 ans, la police tombe par hasard sur la vidéo de l'action tournée à la GoPro. Stupéfaits par la violence de l'action, les forces de l'ordre décident d'enquêter.

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Ils savent que les writers profitent d'un moment d'inattention et d'une surveillance défaillante pour peindre dans différents dépôts. Mais ce type d'action reste exceptionnel, plus de danger, plus d'adrénaline et par conséquence des infractions qui dépassent largement le cadre du graffiti : violence en réunion sur un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions, interruption du trafic…

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Cette enquête a conduit à l'arrestation de 17 personnes dans toute l'Italie à Milan, Turin, Gênes, Monza, Rome et Lecce. Parmi ces 17 personnes, 2 sont mineures et on trouve aussi bien des Italiens que des étrangers. Le crew OTV est identifié et rapidement mis en cause pour cette action.

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L'enquête, avec l'appui des procureurs de Milan, concerne 3 actions dans le métro de Milan et met en cause près de 40 suspects. Le procureur général, Edmondo Bruti Liberati a déclaré :

« Nous sommes confrontés à une situation dangereuse. »

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Le procureur Elio Ramondini ajoute :

« La collaboration avec la municipalité est cruciale, car la stratégie ne peut pas être seulement répressive. »

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Un point sur lequel insiste Anna Maria Fiorillo, avocat pour mineurs :

« Ils n'ont absolument pas conscience que ces actions sont caractéristiques d'un comportement antisocial. Ces mineurs ont besoin d'une réponse éducative. »

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« L'équilibre est fragile. Il faut faire attention, le graffiti se transforme en délinquance en bandes organisées. »
-Fabiola Minoletti, Organisation anti-graffiti

Le conseiller de la stratégie pour la sécurité Marco Granelli conclut :

« Les actions qui visent à décorer Milan doivent être encouragées, mais ceux qui salissent et se comportent violemment doivent être punis, la distinction doit être très claire. »

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Ecro, 10 ans déjà

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C'est un triste anniversaire, il y a 10 ans, le 10 Avril 2004, Mickaël Cohen alias Ecro plongeait dans la Marne pour échapper à la BAC (Brigade Anti Criminalité) alors qu'il peignait un mur anti-bruit près du pont de Charenton (Val-de-Marne). Il est mort noyé à 19 ans. Sa famille demande toujours des explications, toutes leurs demandes sont passées à la trappe. La mère de Mickaël, inconsolable, à envoyé cette lettre à différents médias, pour la mémoire de son fils.

À vous Mesdames et Messieurs les journalistes et à votre Direction, à titre préliminaire, je vous remercie que cette demande ne se transforme pas en un papier qui ira dans votre poubelle. 10 ans, le 10 avril que Mickaël Cohen, Ecro a trouvé la mort sans que l'on ait eu une explication. Un graff sur un mur, une descente de police, un jeune homme qui pris de panique saute dans la Marne et y trouve la mort. Un policier veut secourir Mickaël, il commence à se dévêtir, il reçoit l'ordre de ne rien faire, il exécute cet ordre.

Jamais les conclusions de l'autopsie n'ont été versées au dossier de la plainte déposée par ses parents, jamais une reconstitution du drame n'a eu lieu. Aucun membre de sa famille n'a fait le deuil. Tous pleurent cet artiste en devenir. Après un échec de la procédure devant la juridiction française, la Cour Européenne des Droits de l'Homme a été saisie. Elle n'a pas pris la peine d'examiner l'affaire, elle a juste déclaré qu'ayant été saisie en dehors des délais, elle ne pouvait se prononcer. C'est faux, la saisine a eu lieu dans les délais (par Maître Leclerc & Maître Jessel).

Sans doute trop encombrant, le cas Ecro!!!! Mais sa famille, grands-parents, parents, frère, tantes et oncles, neveux, tous écartelés par ce drame, n'ont pu se reconstruire, toute résilience est impossible.
Pourquoi ? Comment ? Deux mots lourds de points de suspension et de larmes demeurent. Dix années, dix printemps à jamais une saison douloureuse pour les siens. Merci à vous tous pour avoir relayé cette horreur dans vos journaux, merci d'avoir permis à des tiers que nous ne connaissions pas d'avoir été informé. Grâce à vous, nous nous sommes sentis moins seuls, grâce à vous Ecro, le graffeur, était connu et reconnu.
Aussi en cette dixième année, nous revenons vers vous pour avoir un mur, oui un écrit, afin qu'au travers de vos lignes la mémoire de Mickaël Ecro ne devienne pas cendres. Merci encore de vous souvenir avec nous tous. Et merci aussi, car toutes nos demandes de justice sont demeurées lettres mortes. Alors pour que Mickaël ne soit pas tout à fait un disparu, pensez à lui.

-La maman de Mickaël

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