Tomas Statius s'est entretenu avec Legz alias The Spaghettist pour Konbini. Legz est certainement un des précurseurs de la peinture en friche depuis le début des années 90, toujours à la recherche d'espaces vierges, loin des regards, en région parisienne. Quelques extraits de l'interview.
« J'ai commencé le graffiti vers 1989. À l'époque j'étais à fond dans le skate et c'est ce qui m'a permis en tant que jeune adolescent de banlieue d'explorer mon environnement. Et forcément quand les tags sont apparus, j'ai pris tout ça dans la figure. Avec mes potes skateurs, on avait pris l'habitude de marquer notre passage. On taguait des marques de skate, on redessinait les logos. Avec un pote en particulier on s'est de plus en plus intéressé au graffiti. Après quelques essais, il a choisi Kiev et moi Legz. »
« Les lieux abandonnés, c'est d'abord un souvenir de gamin. Jeune, j'aimais aller me faire peur dans des maisons abandonnées. À partir de 1993 j'ai commencé à chercher ce type de lieux . À l'époque je peignais souvent en chrome et noir, c'était la seule combinaison qui permettait de peindre n'importe quel mur sans avoir besoin d'y mettre un coup de rouleau. L'idée avec ces bombes c'était vraiment d'aller chercher d'autres endroits que les traditionnels Hall of Fame, des terrains vierges. Et d'y être les premiers. J'ai commencé cette chasse avec un pote qui s'appelait Hoctes et assez rapidement j'y ai pris goût : dans ces lieux ta pièce ressort d'autant plus qu'il n'y a pas de graffiti autour. Et puis l'ambiance de l'endroit de la peinture en fait partie, tout est lié. Alors qu'avant je prenais juste mon graff en photo, ici je prends du recul. Tout ça m'a permis de prendre en compte ces lieux pour ce qu'ils étaient esthétiquement. »
« Je me suis rendu compte que des lieux comme ça il y en avait pas mal autour de chez moi, et qu'en plus ils m'étaient familiers car je les avais connus en activité. J'ai peint une clinique dans laquelle j'avais été opéré jeune par exemple. C'est ça qui m'intéressait : m'inscrire dans l'histoire d'un lieu, venir signer le chapitre final avant sa destruction. Mais je ne suis pas dans une recherche forcenée de friches. Quand j'ai commencé à faire ça, le terme Urbex n'existait pas. L'exploration urbaine est devenue une sorte de chasse au trésor, une course au spectaculaire dans laquelle je ne me retrouve pas. Pour ma part je me limite à mon environnement : dans mon quartier je remarque ce qui change, ce qui vieillit et j'interviens là-dessus. Je vis la ville. Elle m'envoie des signaux et je réagis. De la même manière j'aime revenir des années après sur les lieux qui n'ont pas été détruits pour voir comment ma peinture évolue, comment la nature prend peu à peu le pas sur ma pièce. »
« Concernant le vandalisme, je n'ai jamais été un cartonneur, j'ai principalement peint en terrain pour tester différents styles. Ensuite, concernant la démarche artistique, je faisais référence dans cette interview à la peinture sur toile. Au début des années 1990, on avait beaucoup d'exemples de graffeurs talentueux qui passaient à la toile, qui avaient envie de pousser le graffiti plus loin comme Jonone, Popay, RCF1. A ce moment-là je ne me sentais pas au niveau, je considérais que je faisais du graffiti de base et donc que ma place était dans les terrains, à apprendre. Et il faut dire que j'étais impressionné par le support, par tout ce que ça renferme. Pour moi, peindre sur toile, c'était se prendre pour Picasso et en tant que graffeur, je voulais désacraliser tout ça. On peignait avec des outils inadaptés sur des supports inadaptés. Et vers la fin des années 1990 il y a eu cette mode où beaucoup de graffeurs commençaient à peindre des toiles, pas dans un délire artistique, mais bien dans un esprit graffiti, comme un blackbook finalement. Ça correspondait également à l'explosion des loisirs créatifs. Désormais, tu pouvais acheter une toile et de la peinture au supermarché. Et du coup j'ai commencé à peindre quelques toiles en me demandant comment je pouvais y retranscrire ma pratique urbaine, avec le souci d'y inclure les ambiances et les matières que je rencontre dans ces lieux : la pierre, le moisi, la végétation. »
L'interview est à lire dans son intégralité ici.