Interview Jonone

C'est Noël avant l'heure : Hugo Vitrani nous offre une interview exclusive de Jonone qui expose à Paris, à la Galerie Magda Danysz jusqu'au 24 Décembre 2010.

Il s'est entretenu avec l'artiste dans son atelier pour Médiapart.

Des quartiers à la Fondation Cartier
Né en 1963 dans les quartiers défavorisés de Harlem, Jonone fait ses premiers pas dans le graffiti en 1979, à 17 ans en taguant Junk, Junkills, Bloodthirsty, ou encore Jofa. Il gardera finalement son désormais célèbre Jonone, suivi de 156, le numéro de sa rue.

«Deux années séparent ma génération des writers que tu vois dans Subway Art, à cette époque c'était une différence énorme. Si tu n'étais pas protégé par un ancien tu pouvais tout te faire taxer, on rencontrait beaucoup de violence. J'ai vite été respecté parce que j'ai montré que j'avais la hargne par le nombre de tags que je laissais.»

La ligne A de New York en a prit pour son grade. Loin des écoles d'art, Jonone va apprendre la peinture à l'école de la rue, avec son pote Kyle. Il décrochera son diplôme haut la main, casquette sur le côté et Timberland aux pieds, armé de ses bombes et pinceaux. Pour se démarquer des styles classiques exécutés de main de maître par les Dondi, Skeme ou Duster, Jonone se tourne vers l'abstraction, ce qui lui vaudra le surnom de Jazzy Jon.

«Quand tu voyageais en métro et que depuis ton wagon tu voyais bouger les murs à trente/quarante kilomètres-heure, c'était un véritable flash de couleurs, une explosion qui sortait du tunnel. C'est ce qui a influencé mon style: la vitesse des couleurs.»

Pour retrouver cette énergie, il n'hésitera pas à mélanger très tôt sur les métros la bombe et l'acrylique.

«A l'époque, je volais beaucoup de bombes, mais ça devenait de plus en plus dur. Dans les magasins de peintures, toutes les bombes étaient dans des cages alors que la section acrylique était sans surveillance. C'est comme ça que j'ai commencé à voler des acryliques qui coûtaient hyper cher.»

La nouvelle politique répressive de la ville américaine et l'arrivée massive du crack (auquel Jonone n'échappera pas) viendront essouffler l'énergie que l'on trouvait dans le graffiti made in US. Au même moment, la culture hip-hop est en pleine renaissance en Europe grâce à Mode2, Bando, Shoe ou Dj Dee Nasty. Invité en France au milieu des années 1980 par Bando, Jonone va découvrir le mythique terrain de La Chapelle où il sentira renaître le graffiti. L'ouverture et le patrimoine culturel français vont l'attirer, Jonone ne repartira pas.

En France, il va s'attaquer aux métros (son premier aux côtés de Joey, Shen et Solo les futurs NTM et Assassin), aux camions, mais surtout aux stores des magasins. C'est A-One – ami de Basquiat et mort lui aussi – qui lui fera découvrir la toile en 1985. Il en peindra beaucoup dans son atelier à l'Hôpital Ephémère où Agnes B va le découvrir.

«Il faut comprendre que ma génération sortait de la période Civil Rights de Malcom X et Martin Luther King. Il y avait toujours deux classes sociales, même dans l'Art: celui qu'on voyait au MOMA, et l'art que nous on faisait. Au lieu d'exposer dans les galeries on exposait sur les trains, et ça voyageait. J'ai toujours su que notre génération a développé quelque chose de très important, il fallait qu'on garde des traces de notre travail pour que les générations futures voient ce langage que nous avons créé. Bien sûr, au début tout le monde disait que ça devait rester dans la rue, pas sur les toiles, que le graffiti c'est bien quand c'est éphémère. Mais moi, dans ma démarche et mon éducation, je savais l'importance qu'il y avait à faire des toiles.»

Si la démarche de Jonone n'a pas toujours été respectée par les intégristes du mouvement, aujourd'hui l'histoire lui a donné raison. Les expositions se multiplient et les plus réticents sont tous passés à la toile. Depuis sa première exposition à Berlin en 1990, Jonone a parcouru du chemin. Exposé très souvent chez Agnès B, Willem Speerstra ou Magda Danysz, ses toiles ont aussi franchi les portes des collectionneurs et de la Fondation Cartier. Ses futures cibles? Les musées. Car il est temps qu'ils ouvrent leurs portes à cet art qui a son histoire, ses légendes, son futur. Jonone fait partie des trois.

Si son atelier est aux Lilas (93) – pas loin de la station de métro rendue célèbre par Gainsbourg –, Jonone n'a rien d'un poinçonneur : c'est un graffeur à qui le Suisse Willem Speerstra dédie en ce moment une grande rétrospective et qui expose jusqu'au 24 décembre à Paris chez Magda Danysz.

Jonone fait des tags, des gros tags, encore des gros tags. Et c'est surtout un bon peintre. Gainsbourg chante: «Y'a pas d'soleil sous la terre». Alors Jonone jette ses couleurs sur les murs gris, les trains et sur ses toiles depuis déjà trente ans. En 2008, il obtiendra la plus haute enchère jamais obtenue en France pour une œuvre d'art issue du graffiti.

Rencontre en vidéo avec cet artiste-acteur venu de l'Ouest (et qui y est un peu resté), dans son atelier :

Source photos : Hugo Vitrani

Un commentaire

  1. basisi le

    ba sisi le cado de noel la 40eme itw de ce bledar

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