On se demande où sont les priorités de la gendarmerie nationale à la lecture de cet article qui décrit une enquête impressionnante d'un sous-officier qui s'est mis en tête d'éradiquer le graffiti à Toulouse et sa banlieue. Dans cette affaire il ne s'agit ni de trains, ni de métros mais exclusivement de murs dont un, appartenant à une base militaire le long de l'autoroute, qui a mis le feu aux poudres.
Un gendarme de Cugnaux s'est lancé dans une traque des tagueurs depuis sept mois. Vingt et un suspects ont été identifiés et placés en garde à vue. Une liste pas encore close.
Gendarme de terrain, modeste, pas franchement à la recherche de notoriété. Pourtant, ce sous-officier est craint, même redouté dans le monde interlope et secret des tagueurs.
« Ils sont un peu surpris de ma connaissance du milieu. »
sourit l'enquêteur. Surpris et pas franchement heureux. Depuis avril, ce sous-officier a placé en garde à vue 21 tagueurs, âgés de 17 à 40 ans. Parmi eux des jeunes plutôt tournés dans le vandalisme et des artistes, l'un est même reconnu internationalement. Leur infraction ? Avoir pris les murs de Cugnaux et de la banlieue Ouest, notamment le mur de la base de Francazal, comme lieu d'expression.
Quelques murs de la base de Francazal :
« En fait tout a commencé dans la nuit du 10 au 11 Novembre. Les magasins Bricomarché et Intermarché de Cugnaux ont été tagués. Des graffitis. J'ai réalisé des constatations, classiques. »
se souvient le gendarme. Pris au jeu des investigations, le militaire se lance dans le sujet, commence à lire et à identifier les blazes, les signatures des tagueurs. Il fréquente les réseaux sociaux et monte patiemment son dossier.
« Quand on connaît, on peut facilement les suivre à la trace. »
glisse ce désormais spécialiste.
Et pour les artistes concernés, le réveil a été brutal ces dernières semaines. Habituellement, exceptées quelques arrestations en flagrant délit au cœur de la nuit, les investigations sur ce qui est un véritable fléau pour les municipalités – entre 1,5 et 2,5 millions d'euros de frais de nettoyage pour la ville de Toulouse chaque année – ne vont pas très loin. Le dossier tag de Cugnaux a déjà permis de confectionner 183 scellés (ordinateurs, téléphones, disques durs avec les mémoires des photos des tags réalisés par les suspects), de saisir 500 bombes de peintures (!) et 300 Posca, les feutres qu'utilisent les tagueurs. Et le parquet, bien décidé à renvoyer tous les suspects devant les tribunaux, attend la fin des investigations pour finaliser les poursuites. L'enquêteur reste discret mais il manque encore à son tableau de chasse quelques noms.
Déjà son enquête a eu un premier effet : il n'y a plus de tag à Cugnaux. Lors des auditions, les tagueurs ont compris le danger et les amendes et dommages et intérêts qui risquaient de tomber en justice. Et même sur le périphérique, l'enquêteur a constaté une baisse.
« C'est un monde assez clanique. Entre les anciens et les jeunes, ils ne se fréquentent pas trop. Mais ils considèrent comme leur liberté de taguer où ils le désirent. Après, ils respectent des codes comme ne pas recouvrir le tag d'un autre. Enfin normalement. j'ai compris que ce n'était pas toujours le cas. »
Plus de 100 000 m² de tags effacés en 2012
Il en va des affiches comme des tags sur les murs de Toulouse : ça adhère aux murs et ça coûte de l'argent à la collectivité. Selon les calculs, la facture annuelle du nettoyage des tags (qui inclut l'enlèvement des affiches) s'élèverait à Toulouse entre 1,5 et 2,5 millions d'euros. Le coût de l'équipe des 45 agents municipaux spécialement dédiés à la lutte anti-tag est estimé à 1,2 million d'euros par la mairie de Toulouse auquel il faut ajouter 250 000 € de frais d'intervention. Si l'on comptabilise l'achat et l'entretien de matériel, ce sont des centaines de milliers d'euros supplémentaires qui sont consacrés chaque année à la lutte contre les tags. L'année dernière, 98777m2 de tags ont été effacés à Toulouse et 3 141m2 dans l'agglomération. «Nous recevons effectivement de plus en plus d'appels, confirme Alexandre Marciel, élu en charge de la propreté à la ville de Toulouse et à la communauté urbaine. Nous intervenons essentiellement au centre-ville, sur des murs et des vitrines ou du mobilier urbain, mais aussi sur la rocade et dans les communes périphériques. Notre méthode est d'intervenir le plus rapidement possible pour dissuader les tagueurs de recommencer.» Des expériences sont aussi en cours avec des graffeurs, le service culturel de la ville de Toulouse et des entreprises (ERDF par exemple) pour décorer des friches industrielles ou des murs à proximité du périphérique.
Le chiffre : 21 arrestations
Commencé à l'automne, l'enquête s'est accélérée en avril avec les premières arrestations. Au total, 21 suspects, âgés de 17 à 40 ans ont été placés en garde à vue et devraient être jugés par le tribunal.
« Le nettoyage coûte de 20 à 50 € le mètre carré. Environ 2,5 millions par an pour la ville de Toulouse, 150 000 € simplement pour la rocade. »
Photos : Cugnaux Photos
Texte : La Dépêche