Ancien graffeur toulousain, Guillaume Bresson est aujourd'hui courtisé par les galeries d'art contemporain pour ses peintures monumentales. Pour Mediapart, Hugo Vitrani s'est entretenu avec l'artiste.
La scène n'évoque pas la nuit de la Saint-Barthélemy, mais une émeute urbaine où une cinquantaine de jeunes se battent à coups de poing ou de bouteilles en verre. C'est un ballet épique où les héros enragés sont habillés en survêt-casquette Lacoste et Adidas, et où l'artiste s'amuse à traiter façon peinture classique les drapés de cette mode des cailleras années 1990. «Les trois bandes blanches Adidas ressortent bien avec la lumière.» Guillaume Bresson est un peintre recherché. Inutile donc de demander le prix de ses toiles, il n'a plus rien à vendre. Et la liste d'attente de ses acheteurs est déjà longue.
Diplômé des Beaux-Arts de Paris en 2007 avec les félicitations du jury malgré une mise à l'écart au sein de l'école, cet artiste de 28 ans fait des premiers pas remarqués sur la scène artistique.
Expositions personnelles en 2007, 2008 et 2010 dans les galeries Lacen (Paris), Bourouina (Berlin) et Nathalie Obadia (Paris); lauréat 2010 du prix Sciences-po pour l'Art contemporain, sélection de son travail pour l'exposition Dynasty au MAM et au palais de Tokyo cet été. Il expose actuellement à la Business school de Skolkovo (Moscou) le diptyque qu'il présentait il y a quelques semaines à la Fiac.
Ancien graffeur de Toulouse, Guillaume Bresson a depuis longtemps déposé les bombes pour s'emparer des pinceaux, et peindre des toiles spectaculaires de violences urbaines, en grand format. Devant ces toiles, impossible de ne pas penser aux films La Haine, Ma 6-t va crack-er ou Fight Club. Mais ce sont les émeutes de 2005 qui ont inspiré Guillaume Bresson qui décide alors de peindre sa chorégraphie de la violence, avec «une volonté de donner une autre vision de celle qu'on voit sur TF1.»
Rien n'est laissé au hasard dans la peinture de Guillaume Bresson: la première grande toile que l'on a connue de lui aura pris trois ans de travail. Partant d'un dessin d'inspiration libre, il habille de ses anciens habits ses amis du quartier de Rangueil, à Toulouse, pour les prendre ensuite en photo dans diverses positions. Il les retravaille ensuite via photoshop pour créer une mise en scène cohérente qu'il peindra à l'huile, en couleur, et le plus souvent en grisaille ou en camaïeu. C'est ainsi qu'il va «inventer une histoire» dont la mise en scène peut, bien qu'il ne souhaite pas s'attarder sur ce sujet, faire l'objet d'une lecture politique.
Aujourd'hui, sans atelier fixe, il s'est lancé dans la production de petits formats en diptyque représentant des paysages mélangeant la nature et des constructions urbaines périphériques. «Je ne veux plus fonctionner en séries thématiques, ni céder à la pression. Après les Beaux-Arts j'ai dû apprendre à me plier à une date butoir pour exposer en galerie, ça a changé mon rapport au temps dans mon travail. Il a fallu prendre certaines décisions pour que j'arrive à faire le maximum dans un temps donné, ce qui m'a mis beaucoup de pression et n'a pas forcément fait du bien à mon travail.»
«Maintenant je travaille sans me fixer de limite pour me remettre dans des conditions de liberté.» Car comme beaucoup de jeunes artistes repérés, Guillaume Bresson n'évolue plus seul : beaucoup l'observent. «Certains jeunes artistes ont la peur de décevoir, la peur d'essayer autre chose, et que ça ne marche plus. Mais si on pense comme ça, c'est déjà fini, c'est fossilisé, ça devient de la production. Il ne faut pas accorder d'importance à tout ça.»
L'explication en vidéo, également réalisée par Hugo Vitrani :