La brigade anti-tags, anciennement basée à la Gare du Nord de Paris, communique largement dans les médias français depuis l'arrestation des NBK. Émilienne Falto vient de s'entretenir avec eux.
Outre quelques affirmations plutôt curieuses – notamment que le milieu du graffiti vandale serait très dangereux et que les agents de la brigade craignent les représailles de certains – on y apprend aussi que le Vandal Squad travaille sur une nouvelle base de donnée globale censée faire le lien entre les tags et leurs auteurs. Lorsqu'on sait qu'en 2008, la CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés) avait recensé un taux généralisé de 83% d'erreurs dans les fichiers policiers, il n'y a plus qu'à croiser les doigts pour que le travail de fichage systématique commencé par la brigade soit moins truffé d'erreurs que le fichier de police STIC par exemple. Voici l'article publié par le Blog Le Monde.
Ils sont capables de dire si un tag a été réalisé de la main gauche ou de la main droite. Simplement en l'observant. Au fil des heures passées à compulser des livres et à consulter des forums, ils sont devenus experts en graffiti. Leur bureau ressemble à l'atelier du parfait petit tagueur. Les bombes de peintures s'étalent sur les étagères, des graffiti sont exposés au mur. Mais attention. Ici, on ne tague pas. On poursuit les graffeurs. Bienvenue à la brigade anti-tag.
Ce groupe travaille à la répression du graffiti dans le métro et sur les voies ferrées, dans toute l'Île-de-France. On y dénombre environ 300 graffeurs. Les préjudices pour la SNCF et la RATP atteignent 3 millions d'euros chaque année. Quant aux tagueurs, ils risquent jusqu'à sept ans de prison, et 100 000 euros d'amende.
Ils sont cinq. Cinq fonctionnaires de police passionnés de graffiti – graffiti vandale précisent-ils en permanence, redoutant d'être pris pour des chasseurs d'artistes. Cinq fonctionnaires qui ne comptent pas les heures passées à cette tâche. Y compris en dehors du temps de travail.
Quasiment de la graphologie
« Il y a beaucoup d'investissement personnel »
admet le chef de groupe. Ses lunettes rectangulaires, très strictes, tranchent sur son gilet à capuche avachi. Comme ses hommes, il tient à rester anonyme.
« Peur des représailles, je n'ai pas envie de me faire taguer la porte de mon appartement tous les jours »
s'emporte son collègue, barbe noire et pull vermillon.
« Et puis, c'est un milieu dangereux, on doit penser à notre famille. »
Une seule personne accepte de donner son nom : Emmanuelle Oster, commissaire de police à la brigade des réseaux ferrés, dont dépend la brigade. Son nom a déjà été tagué sur des rames de métro. Qu'importe, elle ne mâche pas ses mots quand il s'agit des graffeurs considérés comme vandales.
« Les tags abîment les systèmes de fermeture des portes et les vitres du métro. Et ils génèrent un sentiment d'insécurité. Vous vous sentez en sécurité dans un métro tagué, vous ? »
Pour lutter contre ces graffeurs, le groupe anti-tag travaille main dans la main avec la SNCF et la RATP. Quand de nouveaux graffiti sont relevés dans le métro, la RATP remet aux policiers un devis accompagné de photos des tags. En particulier des blazes, les pseudonymes, sortes de signatures que les graffeurs laissent derrière eux. La brigade travaille à partir de leur analyse.
C'est quasiment de la graphologie explique le chef de groupe. Les membres de la brigade travaillent à rattacher à chaque tagueur le blaze qui lui correspond. Le ou les blazes, car certains en ont plusieurs. Pour cela, il leur est arrivé une ou deux fois de faire appel à un graphologue. Mais la plupart du temps, ils se débrouillent seuls.
« Et on obtient des résultats. Actuellement, nous élaborons un fichier en cours de déclaration auprès de la CNIL, rattachant chaque signature à une personne. »
souligne Emmanuelle Oster.
Leur but ? Parvenir à imputer au tagueur la totalité de ses tags, c'est à dire, de ses dégradations. Une méthode qui porte ses fruits : en Octobre 2012, le préjudice imputé à une bande de graffeurs atteignait 700 000 euros.
« Mais c'est aussi beaucoup de boulot de flic »
précisent-ils. L'analyse des graffiti n'est qu'un point de départ à des investigations policières classiques.
« On n'est que des flics, pas des experts en art »
résume Emmanuelle Oster.
Comme des trophées
« Les gars de la brigade ? Ils aiment le graff autant que nous ! »
Rober ne révèle que son blaze, 18 ans, a longtemps fait partie des tagueurs du métro. Jusqu'à sa convocation par la police, il y a deux ans. Il s'en est tiré sans histoire, mais il a immédiatement arrêté. Le groupe anti-tag, il s'en souvient.
« Dans le genre cow-boy, ils sont numéro un. Dans leur bureau, il y a les photos des grands graffeurs attrapés, comme des trophées. »
Ces photographies s'étalent sur l'un des murs de la brigade. Contrastant avec le reste de la pièce. Comme pour rappeler qu'on est bien à la Police. Ambiance tableau de chasse. De face, de profil, de trois-quarts, les visages se suivent. Barrés de rouge. Sous chaque cliché, un mot. Smape. Morka. Tisko. Cli. Les blazes des graffeurs qui sont passés entre ces murs.
La pièce est duale. Entre passion et répression.
« Ils nous pourchassent tout le temps. Malgré tout, quand ils t'arrêtent, ils ont du respect pour toi. Ils connaissent ton travail. On est un tout petit milieu. Qu'ils le veuillent ou non, ils en font partie. »
explique Rober.
Respect ? Les membres de la brigade ne vont pas jusque là. Mais ils reconnaissent que lors des auditions, on échange, on discute du milieu.
« Après tout, nous sommes leurs seuls interlocuteurs »
observe le chef du groupe.
« Se faire arrêter par la brigade, c'est comme une médaille. Tu es allé à GDN, Gare du Nord, et tu en es ressorti. »
explique Rober.
Les locaux de la brigade étaient situés Gare du Nord jusqu'en 2011. Depuis, ils ont déménagé, mais le surnom est resté.
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