Interview Vincent Elka alias Lokiss

Interview Lokiss 511

A l'occasion de son exposition Abstraction21 à la galerie Hélène Bailly, Vincent Elka alias Lokiss, figure historique du graffiti français au même titre que Bando et le crew BBC entre autres, a été interviewé par Sophie Pujas pour Artistik Rezo.

« Quand j'ai commencé le graffiti, je ne savais pas dessiner, et je n'avais aucune envie de devenir artiste ! J'ai appris avec le graffiti. Kupka est devenu important pour moi vers 1988-1989, à partir du moment où je renonce totalement à faire des lettres à la new-yorkaise, où je fais exploser les contours et où je travaille avec des formes graphiques. Il n'y a plus un fond et des lettres, tout se mélange, je suis dans l'improvisation. Kupka, dans ses dernières œuvres, raconte une histoire derrière ses formes. J'y trouve une forme d'énergie spirituelle. Mais je me fais suis fait insulter ! Je dois être l'un des premiers qui ait abandonné la bombe et changé d'outils, pris aussi du rouleau. A l'époque, c'était inconcevable. Il y avait un vrai formalisme de la forme et de l'outil. J'ai été accusé d'incapacité à faire des lettres. »

Quelques murs des années 80 et 90 :

« Cette culture (le graffiti NDLR) porte la transgression, et c'est devenu l'art le plus obéissant qui soit ! Je trouve ça lamentable. Dès que ces artistes entrent dans les institutions, les musées, ils sont complètement perdus. On cherche à rendre le graffiti acceptable, diffusable, à faire en sorte que ça ne dérange personne. Et ça devient un barnum, de la communication politique et publicitaire – on l'a vu récemment, avec les œuvres de la collection d'Alain-Dominique Gallizia, déjà à l'origine de TAG, exposées à Matignon. Personnellement, j'ai toujours refusé de travailler avec Gallizia, même s'il me l'a proposé à plusieurs reprises. On l'accuse de tous les maux, mais ce sont les artistes qui ont accepté de participer à sa collection ! Ils pouvaient refuser. Au moment où j'ai écrit ce texte, j'ai reçu beaucoup de messages de félicitations d'artistes qui en fait participaient déjà à ses projets et à sa collection. Pour moi, c'est de la malhonnêteté par mollesse morale : ils ne croient en rien, donc ils sont prêts à tout pour accéder à la reconnaissance. »

Quelques sketches extraits de ses archives :

« Le graffiti est intéressant dans la rue, sur les murs, dans le métro. Ce qui est fort, c'est qu'il crée la surprise, qu'il ne s'intègre pas toujours. Dès qu'on est sur une toile, il faut changer. Ce n'est plus du tout le même rapport espace-temps. Il faut reformuler son vocabulaire, sinon on n'est plus vraiment un artiste. En général, ceux qui marchent sur toile sont nullissime dans la rue ! Les gens très talentueux sur mur, malheureusement n'ont pas réussi, parce qu'il leur manque l'adrénaline, je crois. Dès qu'ils arrivent dans un studio, ils ne savent plus quoi faire. Avec la Place forte, lieu collectif que j'ai monté en 2010, j'ai été surpris parce que tout d'un coup certains perdaient complètement leurs moyens. Je trouve que les plus forts sont les vandales. Le rayage au tournevis ou les tags à l'acide, c'est quelque chose qui a une vraie force. On arrive dans la sculpture. »

Quelques toiles récentes :

« Le graffiti vandale n'a peut-être pas un fond énorme, mais il se construit dans l'action de transgression. Vandaliser 4000 trains, ça a tout de suite une force. Sur une toile, la transgression disparaît, et qu'est-ce que ça raconte ? On passe de quelque chose de dur, qui porte la violence, à quelque chose d'extrêmement superficiel. D'un acte violent et asocial, on passe à neuneuland. Et ça me rend triste. J'ai beau cracher dessus, je ne serais pas devenu artiste sans, et j'ai du respect pour certains qui font tout ce que je déteste. J'ai aussi polémiqué sur le fait de peindre au Palais de Tokyo. Je ne trouve pas du tout ça aussi grave que d'aller à Matignon, mais la vision du graffiti ne va pas changer parce qu'on leur file les sous-sols techniques. »

Quelques murs récents, dont certains réalisés pour le film Vandal :

L'interview est à lire dans son intégralité ici.

11 commentaires

  1. Dragan le

    Bof…bof…

  2. papa le

    Ho ! Un membre de plus au club des vieux bougons… Mais un membre un peu trop ambivalent à mon goût. Il va falloir qu’il fasse ses preuves !

    Ordre du jour de la prochaine réunion :

    * Un graffeur est-il un artiste si il n’a jamais exposé ?
    * Le graff a-t’il sa place dans une galerie ?
    * Pauvre et inconnu ou pauvre et connu ? Quel choix faire ? Y-a-t’il un choix, d’ailleurs ?
    * Concours de prédictions sur la fin de la bulle actuelle.
    * Choix du lieu pour le prochain repas : Indien, Turc ou Coréen ?
    * Digestif.

    Sans déconner, je suis assez content de voir que certaines de mes opinions sont partagées en haut lieu. Ça ne suffira certainement pas à renverser la tendance mais ça rassure un tout petit peu. Go team!

    • Dragan le

      Tout est dit…

    • rothko siffredi le

      Ce type se replace constamment sur la question du graffiti alors que c’est une étiquette dont il a toujours voulu se séparer. C’est comme cela qu’il existe. Faites ce que je dis mais pas ce que je fais,,,Il collabore pour le film « Vandal » alors qu’il n’en a jamais fait et vient nous parler de transgression quand certains flirtent avec les galeries alors que lui même expose dans une galerie du carré Saint-Germain….On appelle ce genre de personnages des girouettes, schizophrène de surcroît, à dire que Facebook est « un réseau pour adultes décérébrés » mais possède un compte qu’il alimente régulièrement! En attendant, il y a des types qui se foutent bien de savoir si ils sont artistes, continuent de s’exprimer dans leur coin, payent leurs amendes. Vous n’entendrez jamais parler d’eux, la SNCF joue également les schizophrènes en ouvrant d’un côté un procès pour 3 d’entre eux, discrètement (357000 euros d’amendes tout de même) mais propose aux « stars » du graffiti de venir peindre leurs murs à quelques pas de la geôle où ces petits vandales banlieusards viennent faire leur mandat de dépôt.
      Et mêmes si certains oseraient (où rêveraient) se prétendre artiste, pourquoi pas si ils ont quelque chose d’intéressant à proposer. Pourquoi se permettrait-on de faire de l’ostracisme pour des « graffeurs » qui auraient le « culot » de vouloir proposer quelque chose sur toile. Qu’est ce que cela peut vous foutre, que ce soit pertinent ou pas, la bonne et la mauvaise peinture, cela a toujours existé.

  3. N'importe qui ou quoi le

    Moi j’aime bien ce que fais Lokiss là
    Ras le bol de voir toujours vos tomek saeyo pal (esso la blague) , vos bobos parigos adeptes des soirées gays parisiennes.
    j’men fous si ça vous choque ce que je dis.

  4. leader price le

    Jcrois que y’ a que toi qui vois tomek et saeio partout…
     »Tu t’ en fou si ça choque ce que tu dis », rassures moi c’est ironique…

  5. clique le

    « Cette culture (le graffiti NDLR) porte la transgression, et c’est devenu l’art le plus obéissant qui soit ! »

    c’est bien vrai !

  6. Dre le

    C joli, c consistent et puis ça fait un bon bout de temps qu il est dans le circuit. y a bcp de travail au niveau de l esthetique, lettres et couleurs, c propre. En tout cas chapeau !

  7. pointdevue le

    on peut aimer ou pas mais faut au moins reconnaitre qu’il y a un certain fond et dans son travail sur toile et dans son discours , alors que chez d’autres graffeurs reconverties en pseudo-artistes contemporains ca vole vraiment pas tres haut .

  8. c64 le

    C’est toujours intéressant de lire les propos de Lokiss.
    Néanmoins il faut quand même oser sortir une énormité comme « Daim a inspiré 80% du graffiti mondial ». Daim ça reste une copie de Delta en hyper froid et propre.

  9. Payner le

    c’est pas facile d’aller plus vite que le temps et parfois dure à comprendre pour tout le monde , il y a des gens comme ça , ils sont fait l’histoire et ça personne ne leur retirera