Paris: le 20ème va-t-il devenir l'arrondissement du graffiti?

ARTICLE PARIS 20 - 511

La mairie le souhaite mais les street artistes locaux dénoncent un coup de com'. C'est une variante de la guéguerre entre vandales et institutions. Dans le 20ème, la mairie lance un parcours touristique dédié au graffiti. Démago, râlent des historiques qui rappellent qu'ils n'ont jamais été aidés. Le 20ème arrondissement de Paris va-t-il devenir l'arrondissement du graffiti ? C'est la question que pose Streetpress dans cet article que nous relayons.

Bienvenue dans le 20ème, ses street artistes, ses friches et sa mairie

L'ambiance se tend dans l'arrondissement emblématique du street art à Paris, entre graffeurs et l'administration locale. En cause : la communication de la maire Frédérique Calandra, qui répète à tout bout de champ vouloir faire du 20ème, l'arrondissement du graffiti à Paris. Un discours qui passe mal chez ceux qui manient les bombes au quotidien. Ils accusent la maire de récolter le fruit de leur travail sans contrepartie. Et ce, au moment même où la mairie est en train de créer un parcours touristique dédié au graffiti dans l'arrondissement, pour attirer les touristes alternatifs.

Car à Paris, le 20ème a acquis une solide réputation de bastion du street art autour des spots historiques de la rue Denoyez et de la Forge, et des nombreux squats d'artistes qui y ont pullulé. Aujourd'hui, la mairie installe des murs à gogo – avec une programmation rigoureuse – partout dans l'arrondissement. Une bonne chose, assurent les graffeurs de l'emblématique rue Denoyez. Mais ils se plaignent que les lieux historiques autogérés ne soient pas soutenus.

Nouveau spot

C'est le 3ème mur achevé du parcours touristique dédié au graffiti à l'initiative de l'équipe municipale. Sur les hauteurs du parc de Belleville, une fresque en 7 tableaux du graffeur Seth, connu du grand public pour son émission Les Nouveaux Explorateurs sur Canal + et son livre Extramuros, petit carton sous le sapin à Noël. Un mur mis à disposition par la mairie et dont la gestion a été laissée à une association, Art Azoï.

Les 20 mètres de la partie supérieure de l'amphithéâtre de Belleville ont été recouverts de portraits d'enfants rêveurs, aux couleurs pastel, surplombant ce qui est (peut-être) la plus belle vue de Paris. La fresque de Seth , un enfant du quartier qui a travaillé bénévolement, se doit de décorer le parc de Belleville pour au moins 3 ans. Elise Herszkowicz, boss de l'association Art Azoi qui a encadré le projet, contemple le travail avec la satisfaction du devoir accompli :

« C'est quand même un spot privilégié : un très beau lieu, vivant et en plus classé monument historique. »

Un des 7 panneaux de la fresque de Belleville :

SETH-511-1

Art Azoi Inc.

Après un mur dans la rue du Surmelin et un autre autour du square Henri-Kärcher, c'est la 3ème fois en moins d'un an et demi que la mairie du 20ème dégote des murs pour Art Azoï afin d'exposer des références du street art.

Le fonctionnement est presque toujours le même : la mairie se charge de convaincre la direction des parcs et jardins du département de permettre l'exposition de graffitis sur un mur. Elle délègue ensuite la gestion du spot à l'association Art Azoï qui fournit les bombes et s'occupe de la programmation. Une attitude de la mairie dont se félicite Elise Herszkowicz, 34 ans, biberonnée au graffiti et qui s'est fait connaître des services culturels de l'arrondissement au moment de son passage à la galerie locale Confluences :

« Quand il y a une volonté politique comme ici, on voit que le street art, ça marche. »

Street credibility

Problème : son avis n'est pas partagé par tout le monde, notamment du côté de La Friche, le poumon du graffiti dans le 20ème depuis presque 10 ans. Thias, un photographe qui fait partie du crew qui gère le mur historique de la rue Dénoyez – peut-être le plus actif de Paris, insiste en répétant qu'il trouve le travail d'Art Azoï excellent et que c'est bien que cela existe. Mais il vit très mal le fait qu'au lieu de s'appuyer sur de l'historique, la mairie fasse sortir des lieux nouveaux de nulle part.

Car aujourd'hui, si des cars de touristes japonais viennent visiter les murs du 20ème arrondissement – comme cette semaine rue Dénoyez, c'est grâce, explique-t-il, au travail des graffeurs qui tentatives répétées après tentatives répétées ont réussi à imposer des murs pérennes. Malgré la police et une mairie parfois hostile :

« Ici à Dénoyez, c'est un mur qui s'est fait tout seul ! Un mur comme ça, ça tient à ce que des gens reviennent tout le temps. D'ailleurs les premières années, la mairie venait nous repeindre à chaque fois. »

A l'angle Dénoyez, rue de Belleville :

ANGLE-511

Parcours touristique Aujourd'hui pour faire du 20ème, l'arrondissement du street art à Paris, la municipalité sort la grosse Bertha. Pas moins de 4 nouveaux murs devraient voir le jour à son initiative d'ici à la fin de l'année 2013. On sait déjà que celui à l'angle de la rue de Bagnolet et de la rue des Pyrénées sera inauguré en avril par L'Atlas, artiste contemporain habitué des biennales internationales. Gérée par Art Azoi, la fresque y sera peinte pour plusieurs mois et décorera une crèche.

Jointe par StreetPress, Nathalie Maquoi, l'élue à la jeunesse chargée du projet, est enthousiaste :

« Maintenant on va enfin pouvoir faire ce parcours graffiti dont on parle depuis 2010, puisqu'il va y avoir suffisamment de murs. »

Elle attend des retombées économiques, liées au tourisme alternatif. L'objectif étant d'offrir aux touristes qui vont visiter le cimetière Père-Lachaise une balade complémentaire sur le thème du street art avec des galeries à ciel ouvert, le tout afin qu'ils restent dans l'arrondissement.

Graff Washing

Mais ce n'est pas l'unique objectif de la municipalité. Si Nathalie Maquoi s'est intéressée au graffiti, dit-elle, c'est parce qu'elle trouvait ça dingue que les éducateurs de la mairie doivent passer leur temps à sortir des jeunes du commissariat parce qu'ils avaient écrit sur les murs. Ce qu'elle attend aussi du parcours, c'est de :

« Permettre à tous ceux qui ne veulent pas prendre le risque de finir au commissariat, aux filles comme aux plus jeunes, de pouvoir pratiquer. »

Un discours qui sent bon le graff washing pour Thias :

« C'est de la démagogie, ça sert à faire de la com'. »

Car aucun des murs initiés par la mairie, et gérés par Art Azoï, n'est libre. C'est-à-dire qu'ils ont tous une programmation rigoureuse, où des pointures du graffiti posent une fresque pour au minimum 2 mois, quand ce n'est pas pour plusieurs années comme Seth à Belleville :

« C'est n'importe quoi : c'est comme si on invitait un footballeur professionnel à faire des jongles une fois par an et qu'on ne construisait pas de stade de foot pour les gamins ! Tu fais comment pour t'entraîner ? »

Nathalie Maquoi de rappeler qu'un mur en intérieur sera quand même intégré au futur centre d'animation Buzenval. Spécialement pour les mineurs et avec un tarif selon le quotient familial.

Autogestion

Ce que les street artistes de la rue Dénoyez réclament : que la mairie initie des murs d'expression libre. Des lieux qui seraient à la fois autogérés par les graffeurs – comme ici à Dénoyez où un graff tient quelques heures, le temps que tu prennes ta photo, avant que quelqu'un te repasse – et protégés par la loi. C'est ce qui avait été fait sur l'entrepôt de la RATP, rue des Pyrénées, de 2009 à 2011, à l'initiative de la mairie.

Mais aujourd'hui, ce type de modèle n'est plus dans les plans de la mairie. Nathalie Maquoi d'expliquer dans une vidéo qu'au pied du défunt mur des Pyrénées, les bouteilles de bières n'atterrissaient pas dans les poubelles. Un discours repris par Elise Herszkowicz :

« Le mur libre des Pyrénées, c'était quand même un peu bancal. En termes de nuisances, on ne peut pas dire qu'ils avaient atteint leurs objectifs. »

Elle refuse d'ailleurs d'exposer chez Art Azoï des petits jeunes de 18 ans et vante ses murs qui ne sont pas toyés (toyer = repasser sur un graffiti, ndlr) :

« Ma force : c'est que les gens ne touchent pas aux fresques. Je suis implantée et ce sont toujours des gens craints que j'expose. »

Le mur “libre” des Pyrénées (2009 – 2011), aujourd'hui détruit :

PYRENEES-511

Gentrification

En creux, c'est la politique culturelle et urbaine de l'arrondissement qui est pointée du doigt par les graffeurs de la rue. Il n'y a presque plus de dents creuses dans le 20ème arrondissement – ces friches qui s'ouvraient et où les street artistes pouvaient poser plus ou moins en paix. Dernier exemple en date, le spot historique de La Forge, à deux pas du mur de Dénoyez, dont le graffeur Kouka, dreadlocks et bonnet, ne s'est toujours pas remis de la perte à l'été dernier.

« C'est un lieu qui s'est construit grâce aux graffeurs. Et aujourd'hui, il va être tenu par une asso qui n'a rien à voir avec le schmilblick, bien qu'elle soit pourtant là parce qu'il y a cette histoire ! »

C'est l'Ephéméride, l'association culturelle du bar-restaurant-boîte de nuit le Point Ephémère, qui a remporté l'appel à projet de La Forge lancé par la mairie.

« Aujourd'hui c'est grâce à nous que Belleville rime avec graffiti. »

ajoute Thias, cannette d'Heineken à la main et accent titi parigot.

« Pourtant on sait que Dénoyez est condamné à sauter. Ils ont fermé la Miroiterie ( le plus vieux squat de Paris, ndlr), ils ont fermé La Forge et ça va être pareil pour nous. »

Si, comme l'ensemble des graffeurs de Dénoyez, il se réjouit d'avoir une mairie qui se soucie du street art, ce qui est déjà énorme et trouve le travail d'Elise super, il demande à la municipalité de ne pas être hypocrite :

« Ils se servent de ce qu'on fait depuis 10 ans, alors on demande à être soutenu un minimum. On est le seul lieu à avoir cette liberté totale, et on est sur la sellette ! »

15 commentaires

  1. non le

    Est-ce que si CLI fait une pièce sur leur mur tout propre, Elise Herszkowicz et Nathalie Maquoi apprécieront ?
    a non c’est vrai, il suce pas assez bien…

  2. pornosite le

    Et pendant ce temps là ils repeignent tous les stores…

  3. zerbib le

    Vous dites n’importe quoi. Seth n’est absolument pas un « enfant du quartier » mais un bourgeois qui a habité un pavillon à Vanves jusqu’à sa majorité !!!!

    • razor le

      C’est vrai ce qu’il dit Zerbib, vous dites n’importe quoi concernant Seth….

  4. All City le

    Bonjour à tous, une petite précision : cet article est écrit par Street Press, nous jouons ici le simple rôle de relais et non d’auteur, ceci afin de faire circuler l’info.

  5. Cet article reprend une problématique que j’avais déjà développée quelques mois auparavant sur FatCap…

    http://www.fatcap.org/article/murs-parisiens-etat-des-lieux.html

    En mal d’inspiration, la personne qui l’a écrit a même repris des termes de mon article ;) « dent creuse », pour les terrains en friche, c’est pas une expression qu’on utilise souvent à moins de l’avoir repompé quelque part !:) De plus, connaissant certaines personnes citées dans cet article, je ne trouve pas qu’il reflète avec authenticité ni les propos ni les attitudes. C’est une chose de vouloir faire du sensationnel avec des effets de style, c’en est une autre de rester honnête dans son travail de reporter et de se renseigner un minimum sur les gens dont on parle et le milieu qu’on prétend décrire…Dommage !

  6. Gérard D. le

    C’est quand même rigolo. Traiter Seth de bourgeois… Franchement, on se moque de qui ? Faut arrêter d’essayer de faire croire que le graff est pratiqué par de vrais bad boys, orphelins, nés dans la rue et déposé enveloppé dans un sac plastique sur une poubelle un soir de grand froid dans un coron dévasté par le chômage… 99% des writers (on ne choisit pas sa famille, certes) sont de petits blancs middle / upper class en mal de sensations fortes et d’épanouissement personnel. C’est comme ça. Cela n’en empêche pas certains (« bourgeois » ou « pauvres ») d’avoir un vrai talent, d’être des artistes à part entière, et d’autres de rester de grands ados attardés dont l’art du writing a au moins pour mérite de leur faire pratiquer un minimum d’activité physique. Les « vrais pauvres », eux, ils n’ont pas de thunes pour se payer des bombes. Et quand ils les volent, ils finissent par se faire serrer ou comprennent rapidement qu’il y a quand même des trucs « mieux » à voler que des bombes aérosol vendus 3 euros pièce…
    Quant à « dent creuse », expression dont la Mairie de Paris use et abuse depuis des années sur le moindre bulletin municipal de quartier et cheval de bataille de la politique de la ville de ce regretté N. Sarkozy, c’est une vraie joie que de découvrir qu’elle a tellement révolutionné il y a six mois le champ lexical d’un blog de graffiti qu’ils en revendiquent désormais la maternité.
    Bon, allez, je vais danser avec mon pote Ramzan le Tchétechène (un vrai ex-pauvre, totalement ignare, mais pas aigri pour deux sous, il en a plein !)…

  7. Jocelin kenchi le

    Gerard tu ferait pas partit de notre belle police par hasard?

  8. Sandrine le

    J’habite à côté de la rue Denoyez. Notre rue est dégradée par le graffiti. Sur injonction de la Mairie, notre petite copropriété de 14 personnes a récemment dû procéder au ravalement de la façade. Coûteux pour nous et semble-t-il une page blanche pour les graffiteurs.

    Il y a « art » et « vandalisme », ne pas confondre.

  9. mark gellibert le

    je suis scandalise par de telles conneries.
    si ils veulent faire des graffitis , pourquoi ne pas leur donner l’accès de la mairie du 20 eme et du commissariat, ilsn auront que le rond point a traverser.
    la mairie se refuse a nous aider ; lorsque je parle de nous , cela comprend des artistes de la rue desnoyez qui ont eu leur vitrine vandaliser par les graffitis pendant l’été , des gardiens d immeubles de la rue ramponneau et des habitants de celle ci.
    Nous en avons assez des graffitis et avons organises des tours de surveillance le soir et il y a déjà eu des communications physiques mais une chose est sur ils ne reviennent plus sur la rue ramponneau.

    encore des conneries de gauche laxistes .

    • papa le

      En tant que graffeur, je vous supporte à 100 % dans votre lutte contre la légalisation du graff qui lui fait perdre toute sa consistance en n’améliorant pas du tout notre cadre de vie. Les murs légaux ramollissent notre belle jeunesse : cela doit cesser !

      En tant que gauchiste, je désapprouve totalement votre emploi du mot « gauche » dans ce contexte.

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