Interview Fuzi UV-TPK

Après avoir ouvert ses archives sur la toile, Fuzi UV-TPK répond aux questions de Canal Street par mails interposés.

Peux-tu te présenter ?
Fuzi UV-TPK, artiste sauvage.

J'ai consacré ma jeunesse au graffiti et quand je dis ça, ce n'est pas une parole en l'air. Je ne parle pas de hobbie, d'un passe temps entre l'école le foot et ta meuf, mais de VIVRE pour le graffiti, taguer partout, voler tout le temps, se battre pour son nom, être toujours dans la rue, les GAV, rôder les podés, contrôler la ligne, prendre les photos, se faire courser… Penser et faire du graffiti tout le temps, cela pendant plus de 15 ans. Forcément, cela a influé très fortement sur la personne que je suis devenu, aussi bien artistiquement qu'humainement. Ai participé avec d'autres à la création et au développement du groupe UV-TPK. Le plus radical, mais aussi et surtout le plus prolifique groupe de graffiti en France.

Aujourd'hui, à 35 ans, j ai arrêté de peindre sur les trains depuis quelques temps. J'ai fait croire à la vie qu'elle m'avait dompté, mais mon côté sauvage est bien là et il s'exprime par tous les moyens : dessins, peintures, tattoo, photographie, écriture… Je m'exprime dans la confrontation, je n ai jamais agi pour plaire ou encore pire pour faire « beau », je suis contre, anti tout, de nature, Mon art me ressemble, instinctif, violent, sincère.

Pourquoi Fuzi ?
Pourquoi pas ? Le nom est tout en graffiti, mais il n'est rien, L'important ce sont tous les moments que tu passes à le marquer partout, je l'ai très vite compris. Je suis Fuzi, mais j'ai utilisé des dizaines d'autres blazes. Pour brouiller les pistes des keufs bien sûr, mais aussi par plaisir d'endosser une nouvelle identité à chaque fois, un nouveau pincement au cœur, un éternel recommencement…

Pourquoi Ignorant Style ?
Parce que ça remonte à l'enfance, à la spontanéité, à l'instinct et encore et toujours au fait de briser les règles. Etre fier de ce que l'on me reproche, et se l'approprier. Les graffeurs de l'époque ont préféré ne voir dans ma peinture (et de celle d'autres de mon groupe) qu'un acte d'ignorant, cachant par là même leur propre ignorance, en disant que je ne savais pas peindre. Ca leur évitait d'assumer la réalité, le fait que c'était une démarche réfléchie : le fruit de mon obsession pour les premières heures du graffiti new-yorkais, mélangé à ma culture de banlieusard et de l'influence du style traditionnel vandal parisien. Un besoin de faire autrement, spontanément, violemment, tout en s'appuyant sur les fondamentaux du graffiti : peindre son nom, de façon illégale, sur les trains, les murs, le métro.

Quelques précisions concernant ta culture de banlieusard…
Quand je dis culture de banlieusard, je pense à des vandales déferlant sur la capitale, avec comme destrier un gros double étage orange défoncé de tags à la barrane. Je pense à l'omniprésence de la ligne et de ses trains passant entre les immeubles. Je pense au temps passé dans ces intérieurs, sur ces banquettes lacérées, à surveiller la suge et les contrôleurs, puis à sortir son corps par les fenêtres pour poser les tags les plus hauts. Je pense au dernier train qu'il ne faut surtout pas louper si tu ne veux pas passer une nuit blanche sur le boulevard. Je pense aux rigolades, aux joints fumés dans le dernier wagon, avec les amis. Je pense à tous ces moments que seuls les banlieusards vivent. A ça et à bien plus , qui mis bout à bout forment une culture que tu ne peux comprendre qu'en la vivant.

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