Aurélie Champagne s'est entretenue avec Shepard Fairey pour Rue89, en voici quelques extraits.
A 20 ans, il recouvre un panneau publicitaire de Providence (Rhode Island, Etats-Unis) d'une image représentant la tête esquintée d'un catcheur français des années 70 : André Roussimoff, dit André le géant. Au nom d'une obscure private joke, il flanque ce portrait d'une phrase récurrente : Une variation de André the Giant Has a Posse (André le géant a une bande).
« C'est la première œuvre qui a vraiment compté. Celle pour laquelle il y a eu un avant et un après. Ce panneau a provoqué tellement de choses, il a été tellement vu. Les gens se demandaient s'il y avait un acte politique derrière. Tout le monde s'interrogeait. C'est là que je me suis rendu compte du poids qu'avait une image dans la rue, dès lors que ce n'est pas une pub. J'ai mesuré l'immense pouvoir que c'était. »
Fairey se met à alors coloniser les murs de Los Angeles avec son image d'André. Mais en 1998, Titan Sports, détentrice de la marque, le menace de poursuites. L'artiste abdique sans rien lâcher et continue à utiliser l'image du catcheur. A ceci près qu'il l'accompagne désormais de l'impératif : Obey.
En 2008, l'artiste a des milliers d'affiches à son actif. Il a conçu les pochettes de disques de Monkey Business, des Black Eyed Peas, de Zeitgeist des Smashing Pumpkins ou de Whiskey on a Sunday de Flogging Molly. Il réalise aussi l'affiche du biopic Walk the Line. Mais c'est avec l'affiche d'Obama qu'il devient mondialement connu. Il imagine d'abord un poster représentant le visage du candidat avec le slogan Progress (Progrès). Mais l'équipe de campagne le contacte pour lui demander de réaliser une autre version, avec Hope (Espoir), plus en phase selon eux avec le message de campagne :
« Parfois, on croit que j'ai été engagé par son équipe de campagne, mais non. Je l'ai fait parce que j'ai trois filles, que je fais de mon mieux pour leur donner une vie décente. Obama était simplement celui qui me semblait le mieux défendre mes valeurs. »
Dans la foulée de l'élection, le portrait d'Obama inspire à Time Magazine une variation du travail de Shepard Fairey pour son numéro sur Obama, personnage de l'année.
Fairey est désormais un artiste mondialement reconnu. L'année suivante, l'Institut d'art contemporain de Boston lui offre sa première rétrospective. Mais le Californien est arrêté alors qu'il se rend à l'exposition.
« Je collais des autocollants. Ça a été assez grave. Ils ont présenté 34 chefs d'inculpation. Je risquais jusqu'à huit ans de prison. J'ai finalement écopé d'une peine avec sursis. Je sors tout juste de ma période de probation. Mais si je suis repris, ce sera la prison ferme. »
Fairey a déjà connu seize arrestations, mais Boston l'échaude pour de bon.
« Ça fait partie du street art, mais je n'aime pas ça. J'essaie maintenant de bien mesurer les risques que je prends. »
Dernièrement, il organisait une expo à Copenhague, et profitait de son séjour pour réaliser sept fresques en sept jours. La ville fournissait grues et matériel. Par chance, le photographe danois Henrik Haven documentait ce travail.
Pour l'anecdote, le premier mur auquel Fairey s'attaque est celui d'une bâtisse qui a abrité jadis un centre de jeunesse. L'État l'a fermé quelques années plus tôt. Des adolescents en colère viennent vite chercher des noises à l'équipe :
« Des jeunes hyper agressifs qui voulaient saboter son travail. Fairey a eu l'intelligence de comprendre que leur provocation était tournée contre le gouvernement. Il a continué à travailler et une fois l'œuvre achevée, il a mis tout le monde d'accord. »
Shepard Fairey n'a pas envie de s'étendre sur l'incident. Il garde pour lui le coquard et la côte cassée dont il écope. Flegmatique, il assure que dans la rue, il faut savoir rester très calme.
« Les citoyens moyens ont peu de pouvoir. Le pouvoir est entre les mains d'un nombre de plus en plus restreint de personnes. »
Comme il réaffirmait dans une tribune sur le Huffington Post, le street art est un moyen de participer au dialogue. Dans la rue, tout le monde peut prendre la parole.
« Au final, peu importe ce qui s'est passé avec Obama. Peu importe que je sois content ou pas. La seule chose qui importe c'est qu'un graphisme, une simple image a fait la différence. La leçon va au-delà du fait d'avoir à voter ou non. Ce qui compte, c'est d'utiliser les outils qu'on a pour imposer son point de vue. »
L'intégralité de l'article est à lire ici. Retrouvez également ici tous les livres consacrés aux travaux de Shepard Fairey.
Andre the giant existe en tag dans le célébre jeu counter-strike !